Comment faire du lait avec des maïs atypiques
Ensilage maïs 2018. Souvent pauvre en amidon, avec une forte proportion de fibres plus ou moins digestibles, il réclamera d’optimiser le fonctionnement des micro-organismes du rumen avec des apports d’azote et d’énergie fermentescibles à la juste dose.
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Peu de régions ont été épargnées par la météo particulière de 2018 : un printemps humide et un été caniculaire, avec une sécheresse extrême qui s’éternise. Quelles que soient les conditions climatiques, une règle semble immuable pour le maïs : les semis précoces s’en sont mieux sortis que les semis tardifs. Cette année, les récoltes ont été aussi extrêmement précoces avec souvent trois semaines ou un mois d’avance. Dans l’Est, les premiers ensilages ont débuté fin juillet-début août. Du jamais-vu !
Impact sur le rendement
La baisse de rendement a été quasi générale, surtout en comparaison de la bonne récolte de 2017. Mais globalement, la catastrophe a été évitée. D’ailleurs, les terres profondes de l’Ouest et le littoral des Hauts-de-France s’en sortent avec un tonnage normal. Car l’appareil végétatif des maïs semés tôt était très bien développé et prometteur à la fin du mois de juin. De plus, les orages aléatoires de début juillet, associés à la plus ou moins grande réserve utile des sols, ont décidé d’une bonne fécondation ou d’épis peu remplis. Ensuite, le fort déficit hydrique a inévitablement eu un impact sur l’accumulation de l’amidon, et donc le rendement.
Dans l’Est, l’une des régions les plus touchées par la sécheresse, la moyenne est autour de 8 t de MS/ha, avec des écarts allant de 4 à 13 tonnes. Dans l’Ouest aussi, la moyenne dépassera difficilement les 12 t de MS/ha. Sur des maïs très pauvres en grains, la taille des silos est souvent trompeuse. Il y a du volume en apparence, mais la densité est faible (généralement 190 kg au lieu de 240 kg de MS/m3). Car c’est bien le grain qui fait le rendement d’un ensilage de maïs.
Des matières sèches souvent trop élevées
La norme entre 32 et 34 % de MS n’a pas été facile à respecter cette année et les nutritionnistes observent des dérapages. Le plus souvent, les fortes températures en fin de cycle ont amené des maïs trop secs.
Dans l’Orne, par exemple, la moyenne des premières analyses est à 37 % de matière sèche avec des écarts énormes : plus de 40 %, voire au-delà de 50 % de MS sur quelques cas. Souhaitons que ces maïs aient été coupés très courts et particulièrement bien tassés. Sinon, l’échauffement du front d’attaque à l’ouverture du silo sera problématique. Dans ce cas, guère de solutions : il faut avancer vite. L’usage d’acide propionique en pulvérisation est toujours possible, mais pénible à mettre en œuvre. Sur des maïs très secs, à plus de 40 % de MS, il ne faut pas hésiter à ajouter de l’eau (2 à 4 l/vache) pour améliorer l’ingestion. Dans un autre registre, voyant la plante se dessécher, certains éleveurs se sont précipités et ont ensilé trop tôt avec un grain encore laiteux et un niveau de matière sèche trop faible, inférieur à 30 %, préjudiciable aussi à la qualité du fourrage.
Digestibilité en berne
Sur la valeur alimentaire, les ensilages maïs 2018 présentent une très grande hétérogénéité. Les zones qui ont connu des pluies orageuses au bon moment et le Nord ont pu récolter parfois un excellent fourrage avec suffisamment d’amidon et une cellulose digestible, pour une valeur énergétique qui peut dépasser 0,98 UFL.
À l’autre extrémité, dans l’Est ou en Pays de la Loire, on a récolté des maïs grillés, avec une très mauvaise fécondation, donc peu d’amidon (moins de 10 %) et beaucoup de cellulose peu digestible. Ce n’était souvent que de la tige et des feuilles avec 28 % de cellulose et 550 g de NDF. Résultat : 0,85 UFL. Plus globalement, les maïs qui ont subi un déficit hydrique ont tous moins d’amidon, plus proche de 20 % que des 30 % habituels. Ils sont aussi plus riches en cellulose que la normale (supérieure à 20 %) et NDF (proche de 500 g/kg de MS). Si cette fibre est restée digestible (dNDF supérieure à 50 %), c’est un moindre mal, même si la valeur alimentaire est en retrait par rapport à 2017 : en moyenne 0,90-0,91 UFL.
Comment travailler avec ces maïs atypiques
Peu d’amidon, peu de sucre soluble et beaucoup de cellulose : ces maïs auront au moins la qualité d’être très peu acidogènes. Il sera donc possible de corriger leur faiblesse en amidon avec des céréales à paille (blé, orge), au moins sur les premiers mois, pour ensuite revenir sur du maïs grain à l’amidon moins dégradable.
Les nutritionnistes sont unanimes : la richesse en fibres de ces maïs impose de booster l’activité du rumen. Il faudra de l’énergie et de l’azote fermentescibles avec différentes sources. D’ailleurs, les premières distributions d’ensilage maïs 2018 montrent souvent une baisse de production par rapport au cru 2017 (1 à 2 kg de lait/VL en moins), mais plus de TB. C’est le signe d’une proportion importante de cellulose qui oriente les fermentations ruminales sur l’acide acétique précurseur de la matière grasse.
L’apport de betterave, riche en sucres solubles, sera intéressant sur des maïs secs. L’usage de mélasse et d’urée sera aussi pertinent. Sans oublier les minéraux, notamment le phosphore et le souffre qui alimentent les micro-organismes du rumen. Mais les apports d’urée seront à piloter au cas par cas et avec précision car les maïs 2018 seront souvent plus riches en azote soluble.
Les aliments liquides peuvent aussi doper l’ingestion sur des maïs un peu plus encombrants que la moyenne, surtout dans la période de transition, même si leur coût est élevé.
Par ailleurs, certains nutritionnistes préconisent l’apport de levures vivantes pour doper la digestibilité de la ration, à condition d’avoir équilibré la ration en énergie fermentescible et azote soluble.
Dominique GrémyPour accéder à l'ensembles nos offres :